




Par Michele Caracciolo di Brienza
Si vous visitez Rome, pourquoi ne pas faire un voyage dans le passé avec Aldo Aurili dont l’atelier se trouve tout près de l’Ara Pacis et du Tibre ? Une atmosphère où le temps semble suspendu. Aldo Aurili, né en 1942, se consacre à la restauration d’horloges depuis 1972. Pour avoir collaboré avec Aldo Patrizi, fondateur d’Antiquorum à Genève, cet horloger chevronné entretient une relation profonde avec la Suisse. Entretien.
Quel est votre parcours dans la restauration horlogère ?
Enfant, j’aimais les objets mécaniques. Je suis entré comme apprenti dans les années 1960 chez Picard à Rome. Une chance inouïe car ce grand horloger faisait aussi de la restauration. Il était également chargé de l’entretien des timbreuses de la Poste et du fabricant de pâtes Buitoni. Ces horloges servaient à tamponner les cartes d’entrée et de sortie du personnel. Une fois par mois, nous allions les lubrifier et les contrôler. Ensuite, j’ai fait un apprentissage auprès d’Orlando Zijno, le plus grand maître de l’horlogerie ancienne à la Via della Vite à Rome. Après mon service militaire, je me suis mis à mon compte. En 1968, j’ai ouvert mon premier commerce Via Stresa et je me suis consacré à l’horlogerie ancienne. J’ai commencé par acheter, réparer et revendre des montres à Arezzo. En 1972, je rencontre Osvaldo Patrizzi qui a fondé en 1974 la maison spécialisée dans les enchères de pièces d’horlogerie anciennes Antiquorum à Genève avec Gabriel Tortella. J’ai eu la chance d’y rencontrer de nombreux collectionneurs amoureux de l’horlogerie française et suisse et de montres de poche. Je suis ensuite devenu consultant pour la maison Christie’s jusqu’en 2007. A l’époque, je sillonnais l’Italie à la recherche de pièces anciennes. J’ai ensuite déménagé ici à Via del Clementino. Dans mon atelier avec mon fils, nous réparons des pièces du 18ème et 19ème siècle. Ma clientèle est composée de collectionneurs italiens, chinois et américains. ((ndlr, dring-dring, le téléphone sonne ! Au bout du fil, un industriel de Shanghai à la recherche d’horloges françaises de la période Empire mais d’excellente facture !)
Avez-vous déjà pensé à créer votre propre marque comme Parmigiani ?
Non jamais ! Parmigiani est un monstre de compétences. Je l’ai connu, lui et son père, dans les années 1980, c’est une pointure dans l’horlogerie contemporaine. Dans un autre registre, Osvaldo Patrizzi a été début 1970 à l’origine de l’engouement pour la haute horlogerie, tant pour les horloges de table que pour les montres-bracelets. En 1984, à la tête de sa maison de vente aux enchères, il a été précurseur dans la vente des montres-bracelets. En France, en Grande-Bretagne et en Allemagne, la passion pour les horloges à balancier est toujours présente, mais l’intérêt s’est émoussé en Italie. Dans ma vitrine, j’ai une pièce très intéressante de la fin du XVIIIe siècle, fabriquée à Parme, c’est une horloge calvaire en forme de crucifix signée par le fabricant.
Quelle est l’horloge qui vous a donné le plus envie de la réparer ?
Une superbe montre à oscillation, dotée d’une ballerine en dessous, munie d’un échappement à tige et ayant subi des modifications. Elle se balançait d’avant en arrière. Elle avait des traits angéliques. C’était une horloge de porche datant des années 1820, conçue pour le marché de l’Europe de l’Est. Reconstituer l’échappement dans son intégralité m’a posé un grand défi. J’ai également effectué des réparations sur des horloges à lanternes et gothiques. Actuellement, les réparations les plus fréquentes portent sur les horloges françaises de grand-père. Ce sont des horloges à pendule haute, autonome et à poids, dont le pendule est maintenu à l’intérieur de la tour ou de la taille du boîtier.
Avez-vous déjà jeté l’éponge face à une réparation ardue ?
Cela m’est arrivé il y a longtemps. Il s’agissait d’un échappement spécial que je ne connaissais pas et qui avait été modifié. J’ai vite compris que si je mettais la main dessus, j’aurais de gros problèmes. Lorsque je ne parviens pas à mon but, je ne fais pas comme nombre de personnes qui démontent le dispositif et le soudent à l’étain. Je préfère le conserver tel un tableau, une pièce historique, sans l’anéantir. Il est indispensable de respecter l’objet.
Effectuez-vous également des réparations chez les collectionneurs ?
Bien sûr, nous nous déplaçons. Autrefois, l’affûteur était celui qui se rendait chez le client pour inspecter les pendules une fois par mois, les huiler, etc. Nos maîtres des années 1960 avaient été formés au début du siècle dernier. Ma génération se tenait à côté de l’instructeur qui nous instruisaient sur la manière d’examiner les différents composants. Actuellement, je suis à la retraite, mais tant que ma santé me le permettra, je continuerai à travailler avec mon fils.
Par ailleurs, quelle est l’horloge à pendule que vous préférez ?
L’horloge à pendule anglaise, sans aucun doute. Ce sont des mécanismes très complexes, difficiles à réparer aujourd’hui. Le plus grand créateur est Thomas Tompion (1639-1713). Les horloges les plus sophistiquées sont les montres de poche. Si vous prenez une montre de poche « mille pièces » avec des phases de lune, des calendriers, sous le cadran il y a un immense système de leviers et si vous n’êtes pas bon, vous foutez en l’air la pièce !
Aldo Aurili, Horloger
Consultant en Restauration & Vente de montres anciennes
Rome
www.orologeria-aurili.com
A l’époque, l’affûteur se rendait chez le client pour inspecter les pendules une fois par mois et les huiler.