Le laiton est un alliage de cuivre et zinc qui contient 2 à 3% de plomb afin d’en faciliter l’usinabilité. Sous la pression de la législation qui veut restreindre sa teneur en plomb, le marché propose des laitons sans plomb sur lesquels l’industrie est appelée à basculer. Dans un effort communautaire démarré en 2019, l’Association suisse pour la recherche horlogère (ASRH) a mené une large étude afin d’identifier, parmi les alternatives du marché, des laitons sans plomb aptes à remplacer les alliages traditionnels sans perte de qualité ni de productivité.
Complexe, le problème implique l’optimisation d’une solution sous des angles multiples. Il s’agit de trouver un optimum global entre propriétés de l’alliage, aptitude à la mise en forme, optimisation des multiples opérations d’usinage et des divers traitements (galvaniques, détentes, lavages…) afin d’assurer les performances du composant usiné.
Ce projet constitue un effort stratégique pour le secteur horloger, il a rassemblé une trentaine de sociétés toutes à la recherche d’une solution optimisée. Fabricants de matière, lamineurs et tréfileurs, fabricants de machines, d’outils et d’huile de coupe, décolleteurs et fabricants de composants possèdent tous une expertise et un savoir-faire dont l’exploitation combinée permet de converger vers un optimum global.
En suivant une démarche scientifique basée sur des campagnes d’essais rigoureux, l’étude a mis en évidence les paramètres clés et documenté leur influence sur l’usinabilité et les performances des laitons sans plomb. Les résultats montrent que des alternatives telles que le CuZn42 ou le CuZn21Si3P disponibles sur le marché peuvent être usinées et permettent d’atteindre les performances nécessaires. Les paramètres doivent toutefois être optimisés en fonction de compromis propres à chaque entreprise. Le marché fournit des machines et des outils aptes à fragmenter et évacuer le copeau, avec des efforts de coupe qui, bien que supérieurs à ceux observés sur le laiton au plomb, maintiennent bavures et déformations dans des limites acceptables et livrent des états de surface parfois même meilleurs que ceux obtenus sur le laiton au plomb. Le passage en production nécessite toutefois de bien spécifier les matières et de cibler de façon plus précise les bonnes conditions de coupe : les plages d’usinage où les paramètres peuvent être variés sans influencer les efforts et les énergies de coupe sont moins étendues pour les matières sans plomb.
La Figure 1 présente la microstructure d’un alliage CuZn42 approvisionné selon le même cahier des charges auprès de deux sources. On relève d’importantes différences susceptibles de conduire à une fragmentation du copeau et des états de surface différents, comme observé lors d’essais réalisés sur ces échantillons.
L’étude a également cherché à améliorer l’usinabilité en travaillant sur les outils. La Figure 2 illustre pour les mêmes paramètres de coupe l’influence de la géométrie de l’outil sur la formation du copeau : les essais sont réalisés dans un laiton CuZn21Si3P pour différents angles de coupe et brise-copeaux.
L’ASRH a mené ces travaux en s’appuyant sur l’expertise de nombreux partenaires industriels ainsi que sur celle disponible au sein de plusieurs laboratoires des hautes écoles (HE-Arc, EPFL). Une collaboration fructueuse avec le CIP de Tramelan pour la réalisation des essais de décolletage a permis de documenter sur une machine instrumentée l’influence des principaux paramètres et de disposer de données difficilement accessibles dans un environnement de production. Des expertises multiples ont été mises à contribution pour l’analyse approfondie de ces données, un dialogue avec les acteurs clés a permis d’assurer un transfert des résultats dans la pratique : le marché fournit à ce jour des matières satisfaisantes ainsi que des solutions aptes à les travailler. La Figure 3 montre par exemple l’amélioration obtenue sur la maîtrise des déformations de rondelles de diamètre 25mm et d’épaisseur variable : en combinant une améliorant de l’alliage et une amélioration des outils, il a été possible de réduire significativement le défaut de planéité observé sur une rondelle de CuZn42.
Seule la mutualisation des ressources entre de nombreux partenaires permet de réaliser une telle étude, c’est le propre de la recherche communautaire. L’ASRH encourage tous les acteurs concernés à s’engager dans ce type de projets dont le retour sur investissement est particulièrement intéressant.
Fabienne Marquis Weible